Aude 27/03/2024
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À quoi pourraient ressembler les Corbières-Minervois ? 

Le Comité de développement agricole des Corbières-Minervois (CDA) lance un grand travail de prospection, afin de pouvoir se projeter dans ce que sera l'agriculture de demain, tant sous l'angle des changements sociaux qu'organisationnels.

De g. à d. : Ludovic Roux, président du CDA Corbières-Minervois, Camille Grentzinger, animatrice territoriale à la Chambre d'agriculture de l'Aude, Lucie Chatelain, étudiante à l'Agro de Toulouse et stagiaire au CDA, et François Purseigle, sociologue. 

© Crédit photo : AL

Et si la sociologie pouvait nous aider à trouver des réponses ? C'est en tout cas l'approche qu'a choisie le CDA Corbières-Minervois pour construire l'avenir de l'agriculture de ce secteur. Néanmoins, Ludovic Roux, président du CDA, reconnaît "qu'il sera nécessaire d'y réfléchir aussi en termes économiques et par filière". Depuis la Maison de l'entreprise de Lézignan-Corbières, les discussions se sont enchaînées ce mercredi 20 mars, afin de poser les premières pierres d'un travail de prospection qui va durer six mois. En effet, c'est Lucie Chatelain, étudiante à l'école d'Agro de Toulouse et stagiaire au CDA qui va s'occuper de l'étude, co-encadrée par le sociologue François Purseigle et Camille Grentzinger, animatrice territoriale de la Chambre d'agriculture de l'Aude. "Cette étude a pour but de prendre du recul et de pouvoir se projeter sur le long terme au travers de réflexions sur la situation telle qu'elle est, les transformations en cours, pour qu'ensemble, on puisse imaginer les futures possibles", explique-t-elle.

"L'exploitation familiale française traverse aujourd'hui une extrême fragilité" 

Effacement des chefs d'exploitation, salariat de plus en plus externalisé et éclatement des structures, pour François Purseigle : "L'exploitation familiale française traverse aujourd'hui une extrême fragilité et les enjeux ne sont pas perçus de la même manière par les acteurs qui font le travail à l'échelle d'une exploitation." À l'heure actuelle, 18 % des exploitations sont gérées par un couple et sont majoritairement concentrées dans les zones de montagne. "La résilience de l'exploitation familiale reposait sur un recours à des actifs familiaux ce qui, aujourd'hui, devient de plus en plus compliqué", approfondit le sociologue. En effet, 12 % des exploitations agricoles sont des fermes de plus en plus complexes, avec un sociétariat d'un nouveau type, un recours à l'externalisation plus fréquent, et une main-d'œuvre pas toujours embauchée par les exploitants eux-mêmes. "Dans ce département, les formes unipersonnelles occupent une place plus importante qu'ailleurs, mais elles sont confrontées à des défis de plus en plus considérables."

La réinsertion de l'agriculture à l'échelle des territoires est donc un défi de taille, quand on met en relation transmission et vieillissement de la population. Avec 200 000 chefs d'exploitation en moins dans les dix ans qui viennent, François Purseigle partage ses interrogations : "Comment l'organisation collective sera structurée ? Quels liens entre les exploitations ? Comment les gens se préparent au grand départ ? Comment met-on les solutions en place à l'échelle de ces entreprises ?".  

Une prospective et des réalités de terrain 

Pas une mince affaire. Ce travail de fond revient donc à Lucie Chatelain qui, durant ces six prochains mois, va décortiquer en trois phases toutes les spécificités du secteur. La phase d'appropriation est d'ores et déjà lancée depuis le mois de février, et s'étendra jusqu'au mois d'avril, temps nécessaire afin de comprendre le territoire, réaliser des recueils de données et délimiter le cadre d'étude. "L'idée est de récolter les perceptions du territoire, mais aussi les atouts et les enjeux pour avoir une vision d'avenir", explique cette dernière. La prochaine phase de l'étude, allant d'avril à juin permettra la réalisation d'enquêtes de terrain, puis viendra l'analyse prévue, pour l'heure, à l'orée du mois de juillet. À ce jour, 11 entretiens ont été réalisés auprès des membres clés du CDA, des représentants des structures à vocation économique, et des acteurs locaux.

Ce qui en ressort n'est pour l'instant qu'une ébauche, mais reste intéressant à interpréter. Les retours montrent une inquiétude forte concernant la sécheresse, la crise viticole, les blocages réglementaires, ainsi que les questions de transmission ou encore le problème de main-d'œuvre. En effet, les métiers agricoles sont porteurs d'emploi et de sens, mais peinent à trouver de la main-d'œuvre, car physiques et peu rémunérateurs. Jean-Bernard Gieules, président de la coopérative l'Oulibo, à Bize-Minervois, en fait les frais et reconnaît aisément "qu'il est très difficile de trouver des gens manuels de nos jours". Ce constat lui rappelle la situation alarmante de certains secteurs, notamment dans la vallée de l'Argent Double, spécialisée dans l'arboriculture. "Par manque de travaux et d'ambition de la part de la mairie, le dernier arboriculteur de la vallée va devoir abandonner ses pommiers, car on ne lui fait pas les travaux nécessaires pour amener l'eau." L'eau, c'est justement, et sans grande surprise, la thématique la plus prégnante, quand on jette un œil sur les enquêtes concernant les leviers pour répondre aux enjeux. 

"L'agronomie est notre lien à tous"

Pas assez d'eau, ni d'engagement fort, Yann Bertin, directeur de la Société coopérative d'intérêt collective (SCIC) Graines équitables, considère que l'agriculture ne doit pas perdre de vue l'agronomie, car "elle est notre lien à tous". Produisant et commercialisant des céréales, des oléagineux et des protéagineux en agriculture biologique et en semences fermières, auprès des agriculteurs en partie pour la composition d'engrais verts viticoles, c'est au travers d'un démonstrateur territorial que ce dernier souhaite pouvoir quantifier et qualifier ce que ces pratiques amènent au sol et sur les ressources en eau. "Les politiques locales soutiennent le projet et pourraient se positionner pour financer des analyses de sol, mais également sur les moûts de raisins, du matériel de semis et de destruction à hauteur de 50 %, ou encore une aide de type Paiement pour services environnementaux (PSE) avec le pâturage en viticulture", explique Yann Bertin.

Néanmoins, Cyril Garcia, viticulteur et président de l'ASA de Canet-d'Aude prévient : "Cela fait dix ans que l'on essaye de mettre ces mesures agroenvironnementales (MAE) en place, mais vu que ces aides viennent de l'Europe, cela devient de plus en plus compliqué de les obtenir, car elles sont dépendantes d'un catalogue." L'objectif principal est donc d'articuler l'ensemble des travaux de façon cohérente, pour qu'ils puissent déboucher sur des faits concrets, réalisables, afin d'établir une vision claire de ce que pourrait être, dans ce secteur audois, l'agriculture de demain. 

S'adapter au marché de demain

Le virage entre rouge, blanc ou rosé devient un vrai casse-tête pour les viticulteurs. Suivre le marché ? Ou suivre son instinct ? À cette interrogation, Ludovic Roux donne son avis : "Peut-être que dans le secteur des Corbières, il ne faut surtout pas aller vers la production de vin blanc ? Peut-être que, au lieu d'aller dans le sens du marché, nous devons nous dire que notre typologie de territoire fait qu'il vaut mieux aller sur le rouge très qualitatif ?". Les questionnements restent donc ouverts et le travail à mener d'envergure. Alors, en attendant la retranscription pour savoir quels éléments seront nécessaires pour orienter les actions des organisations professionnelles du territoire et des politiques publiques, place aux enquêtes car, à terme, c'est pas moins de 50 entretiens qui seront réalisés et qui feront ressortir une multitude de préoccupations, notamment les questions sur les marchés, la commercialisation et bien d'autres. 

Anthony Loehr •

À retenir-

D'ici le mois d'avril, la présidente de Région, Carole Delga, se rendra à Bruxelles pour mettre en avant les défis que traverse l'agriculture méditerranéenne, et comme le souligne le président du CDA Corbières-Minervois, Ludovic Roux, "les décisions concernant les sujets agricoles vont mériter des arbitrages et dans ces conditions, il faut que chacun puisse être en capacité de défendre sa vision, d'où l'importance de cette réunion et ce travail de prospection".

Anthony Loehr •

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